«
Bien le bonjour, mes amis !
Il faut que vous m’excusiez,
Je vais peut-être vous ennuyer,
Mais je vais vous raconter
Les choses qui se passent. »
Bien le bonjour à vous, cybernautes qui nous
rendez visite. A priori fans de drum&bass (et des musiques assimilées),
peut-être serez-vous surpris de voir s’ouvrir une nouvelle
rubrique qui n’a, en apparence, aucun lien avec votre passion :
le son électronique.
C’est dire que, trop souvent, notre société tend à
catégoriser chaque domaine, sans se donner la peine d’établir
une connexion entre-eux. Pourtant, à la croisée de multiples
conversations, il nous a paru évident que bon nombre d’aficionados
de la zic n’en étaient pas pour autant hermétiques
à l’évolution de notre monde. Et ce ne sont pas les
nombreux mots-slogans de nos chers MC’s qui contrediront cette analyse.
On s’est donc décidé à créer cet espace
interlope, une petite chronique bi-mensuelle qui parlera de faits socio-économiques,
politiques, culturels hors des carcans médiatiques. On essaiera
d’être partout ailleurs, en dehors et en dedans, dans et hors
espace-temps. Surtout, on vous fait un appel du clavier pour être
citoyen actif de cette interzone. A cet effet un livre d’or sera
bientôt ouvert pour y laisser vos commentaires, coups de
gueule, infos.
Pour l’instant, si vous le voulez bien, on vous invite à
faire un petit voyage dans le temps. Zoom arrière donc sur le quatrième
FSE de Paris et banlieues qui s’est déroulé du 12
au 16 novembre derniers. Histoire de faire le point sur la vision très
particulière de nos médias les plus populaires, avec, en
lien, une petite Histoire du mouvement
et des photos de notre « reporter
».
Chronique d’une mort prématurée.
C’est après le triste inventaire des infos
à propos du FSE 2003 de Paris et banlieues que je me suis demandé
si nous n’étions pas dans « chronique d’une mort
prématurée ». J’avais déjà constaté
la politique du motus sur le sujet pendant les quelques semaines qui précédaient
ses assises. Optimiste, j’essayais d’y voir le côté
positif : au moins ses participants n’étaient pas de «
dangereux terroristes » comme les avaient présentés
nos médias avant le FSE de Florence ( « Ville en danger »
avaient titré plusieurs quotidiens).
Court soulagement. La veille et le jour-même une question envahissait
les journaux TV : comment prévenir des « débordements
» et protéger la « ville-musée ».
Peur sur la ville. La question angoissée sembla avoir pour toute
réponse une quasi- suppression de toute information sur les objectifs
du Forum ( alors que 55 plénières et 250 séminaires
se sont déroulés autour de cinq grands axes de réflexion
dont le contenu est résumé dans l’annexe). Cela permit
surtout de remettre encore et encore sur le tapis la « sécurité
des Français ». Et puis dans le contexte des braquages des
bureaux de tabac, cela facilitait une des nobles tâches de la TV,
faire adopter un point de vue de plus en plus policé et policier
(je reparlerai de ce thème dans une chronique ultérieure,
notamment de la nouvelle définition de la citoyenneté que
la boîte à images répand à travers le «
citoyen-relais » ou encore le « bus –vidéo »).
Du côté de nos quotidiens nationaux ce ne fut guère
mieux. Il fallut la polémique suscitée par le texte de Tariq
Ramadan pour que l’on apprenne qu’un FSE devait se tenir à
Paris… il y eut certes d’autres articles, mais sur les objectifs,
le programme, bouche cousue ( si ce n’est la curieuse relativisation
de l’axe 4 du programme : « Pour le droit à l’information,
à la culture, à l’éducation et à la
recherche »).
Une aubaine pour les journaux TV qui s’empressèrent de focaliser
sur José Bové et Tariq Ramadan. Et d’incriminer par
la même occasion ATTAC ( l’une des assos-phares, organisatrice
des forums sociaux) afin de la discréditer un peu plus aux yeux
de pauvres téléspectateurs terrorisés par la double
menace d’un « gauchisme islamiste » . Surtout qu’en
même temps, on nous ressort la question du voile, dont les sujets
sont trois fois plus nombreux que ceux sur le FSE. Jacques Nikonoff, le
président d’ATTAC, s’est d’ailleurs clairement
expliqué quant à cette « affaire » dans un communiqué.
Mais aucun de nos grands médias ne s’en est fait l’écho
( visible sur le site d’ATTAC).
Mêmes tendances lourdes, très lourdes, du côté
des radios. Diffusion au compte-goutte des infos sur le Forum, approximations
et erreurs des commentaires, campagne médiatique autour de J.Bové
et T.Ramadan. Finalement soupirs de soulagement des journalistes : une
horde sauvage, les altermondialistes ? Pas du tout, de joyeux drilles
en quête de festivités. La seule émission à
se revendiquer « de fond » sur le FSE, à savoir Res
Publica sur France Inter, n’échappa nullement aux lieux communs
et aux analyses dépréciatives. On peut relever les qualificatifs
de « vaste supermarché » ou de « grande thérapie
collective » pour le rassemblement, mais aussi l’analyse d’un
nouvel « axe du mal » bolcho-fasciste incarné par le
leader de la Confédération Paysanne ( « Jusqu’où
aller dans la radicalité ? », « Pourquoi êtes-vous
aussi populaire au sein de l’électorat de l’extrême
droite ? », « N’y-a-t-il pas dans le mouvement altermondialiste
un rejet de la démocratie ? »).
Et aux images d’illustrer à nouveau la même mélasse
de malinformation. N’ayant apparemment toujours rien à dire
sur le FSE lui-même, tous les pseudo reportages se sont dilués
dans l’insipide où anecdotes et clichés battaient
la mesure. Au passage quelques perles, et encore uniquement relevées
sur FR 2 faute de temps : « Le sac à dos, c’est la
panoplie de l’altermondialiste », « La grande messe
des altermondialistes où les idées ne sont pour le moment
que de belles paroles ». Le must revient à Bilalian qui se
préoccupe de la signalétique, des repas, de l’hébergement…
Beau tour de passe-passe. Du gravissime Tariq Ramadan on passait à
la légèreté d’un rassemblement convivial, bon-enfant.
Une foire aux bons sentiments sans lendemain qui trouva son apogée
dans une manifestation qui se déroula gentiment, sans trop de heurts
et dont le seul slogan (à en croire la multitudes de gros plans
sur pancartes) était son opposition à la guerre en Irak.
Nos infos pouvaient avoir bonne conscience, elles avaient bien rempli
leur mission de régulatrices sociales en continuant tout de même
à marteler la peur des débordements. On peut être
révoltés d’être exclus mais encore faut-il le
faire « dignement ».
Devant un tel fatras de désinformation on peut toujours se souvenir
de cette citation de Serge Daney peu de temps avant sa mort et songer
à l’esprit rongeur des résistants: « Aujourd’hui,
le monde de l’image a totalement basculé du côté
du pouvoir et du désir de soumission aux pouvoirs. Mais il est
normal qu’en période d’occupation on ne parle pas des
résistants. Et les médias c’est l’occupation.
»
La balle est dans votre camps, à vous
de jouer…….. |